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Ernest Quost et le Grand Trianon de Versailles




Il arrive parfois qu’un artiste connaisse la gloire de son vivant et qui une fois disparu, devient presque inconnu du public voire oublié. Et paradoxalement, d’autres seront mal compris et ne connaîtront que les honneurs au moment de leur disparition. C’est la fatalité des artistes, comme si la roue tournait pour une reconnaissance du vivant, ou bien par delà les siècles.


Les grands artistes de la fin du XIXème siècle du courant impressionniste, étaient mal compris par leurs contemporains. A défaut de rentrer dans une catégorie de peinture définie, ils ont vécu pour une forme d’art propre à leur personnalité, à leur caractère et à leur vision, comme des avant-gardistes d’une nouvelle ère. On ne peut s’empêcher de penser au destin tragique si particulier de Vincent Van Gogh qui aura un succès mondial sans précédent une fois décédé.


Et puis, il y a cette foule d’artistes de cette fin de XIXème siècle, qui ont le vent en poupe et séduisent une clientèle bourgeoise émergeante ainsi que les grandes institutions. Des artistes qui ont réalisé des œuvres aux goûts de leurs clients avec une peinture dans l’air du temps sans trop être révolutionnaire dans le traitement mais avec un prémice de changement. Une manière douce de faire accepter ce nouveau courant qu’est l’Impressionnisme à cette nouvelle clientèle parfois conservatrice.


C’est lors d’une vente aux enchères à l’Hôtel Drouot que nous avons découvert un artiste aujourd’hui oublié mais reconnu en son temps. Le 26 janvier, l’étude Crait et Muller, mettait en vente une série de tableaux. Notre regard s’était arrêté quelques jours auparavant sur un petit tableau sans prétention dans une vitrine. Au départ, c‘est la représentation de la colonnade rose du Grand Trianon qui nous a interpellé et puis le traitement de la peinture dans le goût impressionniste. Et puis une signature sur ce tableau : Ernest Quost


En toute honnêteté, ce nom nous était complètement inconnu et l’estimation du tableau nous rassurait un peu sur ce point. Mais quelque chose nous attirait dans ce tableau. Après une recherche rapide, nous nous sommes aperçus que cet artiste était présent dans plusieurs musées de France. Cette première découverte renforça notre idée de l’acquérir, ce qui fut fait, et de faire des recherches plus approfondies sur cet artiste visiblement passé dans l’oubli.


Ernest Quost est donc né en 1844 à Avalon. Il fut l’élève du peintre sur porcelaine danois Horace Aumont à son arrivé à Paris. Sa carrière commence en 1866 lorsqu’il expose pour la première fois au Salon. Indépendant, il ne voulait pas s’enfermer dans une peinture dictée par les codes classiques. Il installa son premier atelier à Paris rue Norvin. Par la suite, il s’installa à Saint-Ouen chez un cultivateur afin d’y étudier les plantes et les fleurs. Cette étude du monde végétal aura un impact considérable pour sa carrière.


Il continuera d’exposer jusqu'à la chute du Second Empire au Salon des Artistes Français. Au moment de la Commune de Paris en 1870, il quitte la France et s’installe en Belgique. A son retour en France sous la IIIème République, il installe son nouvel atelier au 74 rue de Rochechouart et y tient « Salon » tous les vendredis. Des réunions d’intellectuels et d’artistes où on y parle art, bien évidemment, et littérature avec comme sujets de prédilections : Emile Zola. Par la suite, il s’installera rue de Dunkerque.



Ernest Quost était un artiste reconnu de ses collègues impressionnistes de l’époque. Il est quand même incroyable d’imaginer que Monet, considéré aujourd’hui comme un maître dans le traitement des fleurs en immortalisant son domaine de Giverny et chef de file du courant Impressionniste, reconnaissait et appréciait son travail pictural de la fleur.


Chez le Père Tanguy, marchand de couleurs rue Clauzel à Paris, Ernest Quost fit probablement la connaissance de Vincent Van Gogh. Ce qui ne serait pas étonnant puisque cette boutique était un repère pour les artistes impressionnistes de cette nouvelle vague. L’élite artistique de nos musées d’aujourd’hui a été cliente du Père Tanguy. Marchand, ce dernier était également galeriste et croyait en ce nouveau courant pictural. Une véritable institution et un carrefour des artistes émergeant de cette fin de siècle.


Il est fort possible que Esnest Quost ait rencontré Van Gogh à Auvers-sur-Oise. C’est lors d’une escapade qu’il fit la connaissance du fameux Docteur Gachet, à qui il vendit un tableau. Ce même Docteur qui sera immortalisé par Van Gogh en 1890. La deuxième version de ce portrait se trouve aujourd’hui au Musée d’Orsay à Paris. A son frère Théo, Vincent fit l’éloge du travail de Ernest Quost dans plusieurs lettres de leur correspondance. Il fait allusion par exemple avec « des roses du père Quost » ou bien à sa présence au Salon en ces termes :

« Le père Quost doit avoir un tableau rudement bien au Salon ».


Ce tableau « rudement bien » n’est autre que la toile « Fleurs de Pâques » qui orne aujourd’hui les murs de la Piscine, le Musée d’Art de Roubaix. Ce chef-d’œuvre fut présenté au Salon des artistes français en 1890. Théo envisagea même de l’exposer en vitrine à coté des œuvres de son frère dans la galerie Goupil and Cie. Mais en vain, puisque l’Etat Français l’acheta immédiatement pour l’envoyer au musée de Roubaix. D’une recherche aboutie, l’œuvre annonce à sa manière les futurs Nymphéas de Monet ou les paysages de Klimt.


Son travail sera axé principalement sur le traitement des natures mortes et des fleurs et des fruits mais cela ne l’empêchera pas d’être aussi considéré comme un peintre de Paris. Ce Paris de la Belle Epoque avec ses bals populaires, ses boulevards et ses cafés. Ce Paris qui vit dans un monde de fête et de plaisir, dans une insouciance qui sera vite balayée par la Première Guerre Mondiale. De ce Paris, il en fait des croquis et les retravaille dans son atelier.


Touche à tout, il sera peintre, pastelliste, aquafortiste mais également céramiste dans la plus emblématique des institutions dans le genre : La Manufacture Nationale de Sèvres.

Il fera partie de la liste des artistes qui ont collaboré avec la manufacture à la fin du XIXème et début du XXème siècles, comme Emile Gallé dans l’essor de cette céramique impressionniste. Une technique mise au point à Sèvres fin XIXème, dérivée du procédé de la pâte-sur-pâte monté au pinceau ou sculpté. C’est pour cette innovation que les artistes utilisaient de la peinture à la barbotine ou à la demi-barbotine.


Contrairement aux autres peintres comme Van Gogh ou Cézanne par exemple, la carrière de Ernest Quost est pour ainsi dire florissante et reconnue par tous de son vivant. Cette notoriété lui valut une quantité de prix impressionnante. Comme nous l’avons vu, il débuta au Salon des Artistes Français en 1866 d’où il en sera médaillé en 1880, en 1882, en 1890 et en 1900. Il en deviendra sociétaire en 1887. Lors de l’Exposition Universelle de 1889 à Paris, il reçut la Médaille d’Argent. En 1883, il fut fait Chevalier de la Légion d’Honneur et Officier en 1903.

Ernest Quost s’éteint à l’âge de 89 ans le 24 Mars 1931 à Paris.


Aujourd’hui, le travail de Ernest Quost est visible dans les plus grands musées de France. Comme nous l’avons vu, le musée de Roubaix possède « Fleurs de Pâques » mais le Musée d’Orsay possède également quelques merveilles florales de l’artiste. Le musée Marmottant expose du Ernest Quost non loin de la collection de Nymphéas de Monet. Son travail est aussi présent dans d’autres musées comme celui de Limoges, de Nancy, de Rouen ou bien de Castres.


Il aura fallu un attrait pour les splendeurs de Versailles et du Grand Trianon et un goût pour les peintres impressionnistes pour que notre regard s’arrête par hasard, sur un petit tableau insignifiant perdu dans une vitrine. Mais en s’y intéressant d’avantage, il nous aura permis de découvrir un artiste qui était comme un maître pour Van Gogh et célébré par Monet. C’est en cela qu’une vente aux enchères est passionnante. Elle permet de faire sortir de l’oublie des chefs-d’œuvre ou des artistes oubliés qui méritent un deuxième moment de gloire et surtout une renaissance pour perdurer.



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