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L'Impératrice Sissi au Château de Sassetot-le-Mauconduit

A une quinzaine de kilomètres de Fécamp, ville de la fameuse liqueur Bénédictine, se trouve la ville de Sassetot-le-Mauconduit. Proche de la mer, cette petite ville au charme normand et authentique est connue dans cette région de France pour son château. Il aura suffit d’une visite impériale pour rendre ce domaine célèbre et éclipser les autres demeures de cette partie de la Normandie.

Mais cette histoire ne commence pas en France mais en Autriche, dans l’Empire des Habsbourg. Nous sommes en 1875, l’Empereur François-Joseph règne sur l’une des plus grandes puissances européennes avec à ses cotés, une des femmes les plus belles d’Europe : L’Impératrice Elisabeth, dite Sissi.

Femme moderne au mode de vie qui allait à l’encontre des dictats de l’époque, l’Impératrice était une infatigable voyageuse. Tout était prétexte à quitter la Cour de Vienne au protocole écrasant qu’elle détestait. Mais cette année là, son excuse sera sa dernière fille, Marie-Valérie, qui pour des raisons de santé doit quitter la capitale autrichienne pour un autre climat.

En effet, le médecin de la Cour Impériale, le docteur Widerhofer, conseille vivement pour la santé de la petite archiduchesse âgée de 7 ans, un séjour au bord de mer où l’air est particulièrement iodé. Les côtes de la Manche française sont évoquées. Mais pourquoi ce choix si particulier du domaine de Sassetot-le Mauconduit ? Pourquoi lui plus qu’un autre ? Ce choix est finalement le fruit du hasard et des circonstances qui permettent des rencontres à un instant précis.

Pour cela il faut revenir sur l’histoire des propriétaires du château. Les terres de Sassetot existent depuis des siècles mais le château actuel fut bâtit à partir de 1772 dans un véritable style français du XVIIIème siècle. Son propriétaire et commanditaire est un certain Jean Robert Bigot, président du Parlement de Normandie et conseiller du roi.

Le domaine fut légué à sa fille, qui avait épousé dans les années 1790 le Marquis de Martainville, Maire de Rouen et gentilhomme de la chambre du Roi sous la Restauration.

En 1858, faute de descendance, le domaine fut légué à la mort du Marquis à son neveu Paul Deschamps de Bois-Hébert, qui lui même le légua à son fils Jean. Mais malheureusement ce dernier était un joueur insatiable avec une vie parisienne qui le ruinait. Après avoir vendu plusieurs parties des terres du domaine pour éponger ses dettes, il n’eut d’autre choix que de se séparer du château. C’est en 1872 que le chateau et le domaine, du peu qu’il en restait, furent acquit par un riche armateur du Havre, Albert Perquer.

Ruiné, Jean de Martainville, décide de quitter la France pour sauver le peu d’honneur qui lui reste et s’exile à Vienne. C’est grâce à son titre de noblesse et sa fonction diplomatique qu’il fut reçu à la Cour Impériale. On peut donc fortement penser que Jean, familier de la Cour depuis presque 3ans, ait pu évoquer et proposer l’idée de son ancien domaine à l’Impératrice comme lieu de villégiature pour son prochain séjour sur les côtes de la Manche.

Et l’idée mûrit suffisamment dans l’esprit de l’Impératrice puisqu’elle dépêcha en mai 1875 son intendant et trésorier Carl Linger à Sassetot, pour s’assurer que le lieu pouvait être approprié à son séjour et accueillir sa suite. Ce dernier débarqua en Normandie et se présenta au château mais trouva porte close. Il retourna à Fécamp pour rencontrer le Vice-Consul Leborgne, afin de le mettre en contact au plus tôt avec le propriétaire.

Il rencontra rapidement Monsieur Perquer et lui fit savoir qu’il souhaitait louer son château ainsi que son domaine pour le compte de la Comtesse Hoenembs. Cette comtesse était en réalité l’Impératrice. Elle utilisait généralement cette identité afin de voyager incognito. Mais à la surprise de Carl Linger, le propriétaire refusa la demande de location. A cette réponse, il n’eut d’autre choix que de révéler la véritable identité de la future locataire. Et bien évidemment Monsieur Perquer changea immédiatement d’avis. Comment refuser de louer son domaine à une tête couronnée, qui plus est Impératrice d’Autriche !

L’affaire fut conclue pour un montant de 30 000 francs or et Monsieur Perquer précisa que si l’impératrice annulait sa visite, il demanderait 10 000 francs or de dédommagement. En contre partie, Carl Linger exigea la plus complète discrétion sur l’identité de la future locataire. Mais bien évidement, le bruit courra qu’Elisabeth d’Autriche comptait séjourner en Normandie.

Le temps passa, à tel point qu’on supposa que l’Impératrice ne viendrait plus. Mais début juillet, un train spécial venant d’Autriche arriva en gare de Fécamp chargé de plusieurs caisses. Puis deux jours plus tard, c ‘était au tour de Carl Linger, mais cette fois-ci accompagné avec toute une équipe attachée à la Maison de l’Impératrice. Toute cette armada autrichienne dû préparer les lieux pour le séjour impérial. On aménagea les appartements de l’impératrice et de sa fille, on changea la décoration aux goûts de la souveraine, on organisa l’intendance… Tout devait être opérationnel et prêt le jour de son arrivée.

L’Impératrice arriva en gare de Fécamp le 31 juillet 1875. Bien que voulant voyager incognito, son arrivée ne passa pas inaperçue et elle fut accueillie par le Maire, la Police ainsi que la Gendarmerie qui étaient chargées du service d’ordre. L’Impératrice prit la direction du château où toute sa suite ainsi que les bagages l’avaient précédé afin de tout préparer pour son arrivée.

Dès le lendemain, l’Impératrice monta en calèche et se rendit avec sa fille sur la plage des Petites Dalles, à pratiquement deux kilomètres du château. Le père Benoni, maître nageur, avait installé une cabine de bains sur la plage pour l’impératrice. De celle-ci, on avait tendu un couloir de draps blanc jusqu'à la mer, afin que Sa Majesté puisse se baigner en toute tranquillité. Caprice Impérial ! Bien que bonne nageuse, elle sera surprise par la marée descendante à la fin de son séjour. Elle fut secourue par un membre de l’équipage du yacht qui lui avait été mis à sa disposition.

Mais n’oublions pas que l’impératrice était une cavalière émérite. Elle fit venir avec elle trois chevaux et elle avait demandé à l’écuyer Allen de l’accompagner durant ce séjour normand afin de la faire travailler. Elle l’avait rencontré l’année précédente lors d’une chasse à courre en Angleterre. Ils font de longues promenades, parfois dépassant la limite du domaine, franchissent des obstacles. L’impératrice est dans son élément.

Un jour, Allen prépara le cheval de l’impératrice, nommé Zouave, pour une promenade. Mais cette fois-ci, il suggèra à l’Impératrice de prendre le chemin d’obstacles à l’envers. Curieuse demande qui ne perturba pas la souveraine. Elle s’élança dans sa course vers l’allée des chênes. Mais son cheval surpris par les obstacles qui se trouvaient à l’envers prit peur, se cabra et renversa l’Impératrice qui fut projetée contre un chêne, ce qui entraîna sa perte de connaissance.

Le Cheval retourna seul à l’écurie sans sa cavalière et l’écuyer Baysard comprit tout de suite qu’il était arrivé quelque chose de grave à l’Impératrice. Ce fut la panique générale! Il courut au château, demanda de l’aide, on envoya chercher le médecin de la Cour, le Docteur Widerhofer qui logeait non loin de la plage des Petites Dalles. Le Baron Nopsca et un valet se précipitèrent auprès de la blessée qui était toujours sans connaissance et la transportèrent au château. Le Docteur ordonna un calme absolu et de laisser l’Impératrice se réveiller. Sa Dame d’Honneur, Marie Festetics, resta toute la nuit devant la porte de la chambre de l’Impératrice.

Elle reprit connaissance le lendemain mais avec une absence de souvenirs de son accident et dans un état nauséeux. On cru à une commotion cérébrale, ce qui aurait été beaucoup plus grave. Le docteur ordonna du repos, et surtout plus d’équitation jusqu'à nouvel ordre. Un télégramme fut envoyé expressément à l’Empereur à Vienne, afin de l’informer de la situation et de l’état de son impériale épouse. On imagine l’angoisse de François-Joseph en apprenant cette nouvelle, lui qui aimait sincèrement sa femme. On le dissuada de se rendre en Normandie au chevet de son épouse pour raison politique, ce qui ne l’empêcha pas de lui télégraphier quotidiennement.

Le séjour continua sans équitation, mais avec des promenades et des bains de mer pour le rétablissement de Sa Majesté. Mais le départ approchait et le Train Imperial se prépara pour le départ prévu le 24 septembre 1875. Sa suite prit place dans les wagons qui lui était attribués. L’Impératrice arriva la dernière, fit ses adieux au Maire de la Ville, le remercia de son accueil et de la bienveillance des personnes présentes pour son départ. D’un geste impérial, elle salua la foule puis disparut dans son wagon luxueusement capitonné.

L’Impératrice est restée à peine deux mois en Normandie et pourtant le souvenir de son passage et de son séjour au château de Sassetot-le-Mauconduit est resté dans les mémoires. Il faut dire que sa célébrité a dépassé les frontières et le temps. Comment ne pas rester insensible aux charmes ce personnage énigmatique et moderne qu’était Elisabeth d’Autriche ?

Aujourd’hui, le Château de Sassetot-le-Mauconduit a été transformé en un merveilleux hôtel de charme. Il continu à entretenir le souvenir et la mémoire du séjour de l’Impératrice d’Autriche dans un cadre raffiné. Un portrait de l’Impératrice trône en majesté dans la salle à manger de l’hôtel et une chambre « Sissi » au centre du château, l‘évoque particulièrement. Un lieu charmant propice à la contemplation au milieu de ce parc qui avait accueillit en son temps les chevauchées de Sissi, l’infatigable cavalière.

Chateau de Sissi

1, rue Elisabeth d'Autriche

76540 Sassetot-le-Mauconduit

www.chateaudesissi.com


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