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La Marquise Arconati Visconti, la discrète grande donatrice.

En cette fin de XIXème siècle, la France compte un nombre important de riches et puissantes familles amatrices d’art. Ces collectionneurs, à l’instar des plus connus comme les Jacquemart-André et Moise de Camando, ont légué à l’Etat des chefs d’œuvre parmi les plus beaux du monde. Mais, dans cette élite, une femme se distingue par sa discrétion mais aussi par sa générosité envers les musées et les institutions françaises : La Marquise Arconati Visconti.

Mécène du Musée des Arts Décoratifs de Paris, la Marquise a légué un nombre impressionnant d’œuvres à ce lieu. C’est pourquoi le MAD a décidé de consacrer une exposition à sa plus importante donatrice. Ce n’est pas une exposition avec une mise en scène particulière mais plutôt une déambulation dans les galeries permanentes du musée à la recherche des trésors de la Marquise. Grâce à cette « chasse aux trésors », on ne pourra que constater que la générosité de la Marquise est omniprésente dans le musée.

Née le 26 décembre 1840 à Paris, Marie Louise Jeanne Peyrat, est la fille du journaliste Alphonse Peyrat. Elevée avec des valeurs républicaines, elle manifestera un vif intérêt toute sa vie pour le monde de la politique, en tenant salon entre autre ou en prenant position dans l’affaire Dreyfus. Cultivée et curieuse, elle suit en auditeur libre les cours à l’Ecole des chartres mais également à l’Ecole pratique des hautes études. C’est dans ce milieu d’étudiants qu’elle rencontrera son futur époux: Giammartino Arconati Visconti. Cette rencontre changera pour toujours la vie de cette femme qui disait que lors de son mariage elle ne possédait qu’une simple robe et une paire de souliers.

Héritier d’une des plus riche famille de Milan, Giammartino est né en France en 1839. Son père, Giuseppe Arconati Visconti participa à l’insurrection de 1848 à Milan puis siégea au Sénat sur les bancs de droite de 1865 à sa mort le 11 mars 1873. Giammartino, sera avant son mariage un grand voyageur. Il ira en Algérie, puis en 1865 il fera une expédition en Arabie Pétrée dont de précieux témoignages nous sont parvenus jusqu'à nos jours.

C’est donc le 29 novembre 1873 que Marie Peyrat devient la nouvelle Marquise Arconati Visconti. Le mariage civil a lieu dans la mairie du 9eme arrondissement de Paris en présence de Victor Hugo et Emmanuel Arago. Le couple prend ensuite la direction de l’Italie. Mais le bonheur conjugal sera de courte durée puisque le Marquis meurt le 23 février 1876 à Florence. Jeune veuve, la nouvelle Marquise seule héritière de l’immense fortune de son mari, regagne Paris.

Consciente de son nouveau rang social, la Marquise fait l’acquisition d’un hôtel particulier à Paris, rue Barbet-de-Jouy. Décoré par Albert Ponsin, il accueillera tous les quinze jours un salon où se réuni le monde politique et intellectuel de l’époque. On y croisera Gambetta, Jean Jaures mais également Joseph Reinach et Alfred Dreyfus. Elle se liera d’amitié avec des conservateurs de Musées et des collectionneurs comme Raymond Koechlin et Emile Molinier. Et c’est par l’intermédiaire de ce dernier, que Raoul Duseigneur rentrera dans la vie de la Marquise. Antiquaire et collectionneur, il sera son compagnon de vie, l’aidera dans la gestion de sa fortune et surtout la conseillera dans l’acquisition d’œuvres d’art.

En plus de son hôtel particulier parisien et de sa villa en Italie sur les bords du lac de Côme, la Marquise possédait un château en Belgique, Gaasbeek. Contrairement aux grands collectionneurs de son temps qui lui préféraient le style du XVIIIème siècle, la Marquise avait une prédilection pour l’art du Moyen-Âge et de la Renaissance. Elle fit restaurer son château par l’architecte Charles-Albert, émule de Viollet-Le-Duc et le meubla dans ce style qui lui était si cher.

En plus de sa passion pour les œuvres d’art et le mobilier du Moyen-Age et de la Renaissance, la Marquise possédait une extraordinaire collection de bijoux anciens datant de cette époque. Ces chefs d’œuvre de joaillerie ont souvent été complétés par d’autres éléments contemporains afin de recréer une parure. Le grand joaillier Lalique alors en vogue, lui réalisera des pièces exceptionnelles qu’elle a également légué au MAD, qui se trouve aujourd’hui dans la galeries des bijoux.

Collectionneuse et donatrice de son vivant pour le Musée des Arts Décoratifs ainsi que du Musée du Louvre, la Marquise était également une grande mécène dans le domaine de la recherche et de l’enseignement. C’est à partir de 1894 qu’elle exercera cette activité pour les grands établissements d’enseignement supérieur puis à partir de 1907 pour les universités, en particulier celle de Paris. Sa générosité se traduira par d’importantes donations de sommes d’argent pour entretenir la recherche de différentes institutions.

De nombreux prix seront créés par elle avec à la clef des bourses décernées aux lauréats. C’est à l’école des chartes, la où elle avait rencontré son mari, qu’elle créa deux bourses qui portent le nom de son père. Pour l’Ecole des hautes études, elle rachète en 1903 la totalité de la bibliothèque de Gaston Paris, professeur de langue et littérature française du Moyen-Age au Collège de France, et finance même son l’installation dans l’établissement. Entre 1911 et 1912, elle donnera un million de francs afin de faire construire un nouveau bâtiment pour abriter l’institut de Géographie. Et c ‘est en 1920, qu’elle offre pas moins de trois millions de francs pour édifier l’Institut d’histoire de l’art.

Mais le plus exceptionnel cadeau qu’ai pu faire la Marquise à l’Université de Paris, c ‘est d’avoir désigné l’établissement comme son légataire universel de sa fortune après sa mort en 1923. Au final, après liquidation de sa succession, l’Université de Paris héritera de 13 millions de francs, soit l’équivalent de plus d’un milliard d’euros.

Bien des années avant sa mort, la Marquise avait déjà commencé ses donations d’œuvres d’art pour le MAD et le Musée du Louvre. Elle commença en Juin 1892 par des dons au Musée du Louvre puis annonça son intention de faire don de l’intégralité des œuvres de son hôtel particulier parisien à l’Etat afin de les exposer au Louvre. En 1893, elle fit ses premiers dons au Musée des Arts Décoratifs, mais également en 1902, 1906, 1907, 1908, 1909, 1910, 1913 et 1914. C’est en souvenir à Raoul Duseigneur, qu’elle légua au musée sa précieuse collection de bijoux.

Riche et importante donatrice, La Marquise Arconati Visconti fait partie de la liste prestigieuse des mécènes du Musée des Arts Décoratifs. Quasiment méconnue, cette exposition permettra de faire sortir de l’oublie et de rendre hommage à cette femme d’exception qui aura consacré sa vie à la transmission du savoir et de l’art.

Marquise Arconati Visconti, femme libre et mécène d'exception au Musée des Arts Décoratifs de Paris, du 13 décembre 2019 au 15 mars 2020.


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