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Le Château de Neuilly, ancienne résidence royale et impériale

Au bout de l’île de Jatte, à Neuilly-sur-Seine, se dresse un charmant Temple de l’Amour. Une folie à deux pas des tours modernes du quartier de la Défense, pouvant rappeler le fameux Temple de l’Amour de Marie-Antoinette dans son domaine du Petit Trianon à Versailles. Et pourtant, le promeneur ne se doute absolument pas que cet héritage de la splendeur passée des lieux, faisait partis du domaine du fameux château de Neuilly. Demeure d’aristocrates, puis résidence royale et impériale, ce château aux prestigieux propriétaires n’a malheureusement pas survécu, si ce n’est qu’avec quelques vestiges encore présents de nos jours.

C’est au XVIIIème siècle que le premier château de Neuilly fut construit par Louis Béchameil de Nointel. Surintendant des finances du duc d’Orléans et maitre d’hôtel du roi Louis XIV, il en est le propriétaire de 1668 à 1702. Monsieur de Sassenaye rachète la propriété en 1702 et la revend en 1740 à la Maréchale-Duchesse de Boiron. Née Marie-Antoinette de Bautru de Nogent, la Duchesse cède la nue-propriété du domaine par testament, daté du 16 aout 1740, au Comte Marc-Pierre d’Argenson et l’usufruit à Monsieur de Villars.

Un an plus tard ce dernier ayant rendu son dernier soupir, la même année de la disparition de la Duchesse le 4 aout 1741, d’Argenson récupère donc l’intégralité de la propriété de Neuilly. Cet homme politique et Secrétaire d’Etat de la Guerre de Louis XV décide de faire reconstruire le château. Et c ‘est en 1751, que l’architecte Jean-Sylvain Cartaud reçu la commande de ce nouvel édifice de style ionique, disposé sur plusieurs terrasses dominant la Seine. De nombreux intellectuels et d’esprits des Lumières ont séjourné au château de Neuilly, comme Diderot, Voltaire ou Rousseau…Mais malheureusement cette période est de courte durée, puisque d’Argenson est disgracié et exilé dans son château des Ormes et ne revient à Paris qu’en 1764 et meure quelques mois plus tard.

Le Marquis René Louis d’Argenson devenu son héritier, décide de vendre le 6 juillet 1766 le château au financier Radix de Sainte-Foy pour 100 000 francs. Ce dernier en sera propriétaire jusqu’en 1792, date à laquelle il le revend pour 320 000 francs à Madame de Montesson, ancienne épouse morganatique du Duc d’Orléans, Louis-Philippe « le Gros ».

Deux ans plus tard, elle le revend à son tour le 8 mai 1794 pour 230 000 francs, aux hommes d’affaires Delannoy et Ignace-Joseph Vanlerberghe, qui décident de louer la propriété comme résidence secondaire au fameux Talleyrand, ancien président de l’Assemblée Nationale. Il y donnera des fêtes merveilleuses avant que les Murat ne rachètent la propriété au même prix, soit 230 000 francs le 4 mars 1804.

Le Maréchal d’Empire, Joachim Murat était devenu le beau-frère de l’Empereur Napoléon 1er, après avoir épousé la sœur de celui, la sublime Caroline Bonaparte. Ayant précédemment acquit le château de Villiers, Murat rachète par la suite, les terrains de la plaine de Villiers ainsi que les trois grandes routes qui se trouvaient au milieu des deux propriétés. C’est ainsi qu’entre 1804 et 1807, le château subit d’importants travaux sous la direction de l’architecte Fontaine. Le parc est replanté et agrandi mais surtout le château est transformé. Au bâtiment principal, il y rajoute l’aile gauche ainsi que la salle à manger, mais également une partie de l’aile droite et fait prolonger la façade coté jardin. Toutes ces transformations ont lieu au même moment où les Murat fond l’acquisition du Palais de l’Elysée à Paris.

En 1808, Napoléon décide de donner la Couronne de Naples au couple Murat. Mais pour avoir le privilège de porter le titre de Roi et Reine, Caroline Murat et son époux devront abandonner leurs propriétés et les trésors qu’ils contiennent, à l’Empereur. C’est pourquoi, le château devient résidence impériale pour un temps puisqu’il rentre dans le domaine extraordinaire de la Couronne après le départ des Murat pour Naples. Mais le 28 octobre 1808, la sœur de Caroline et de l’Empereur, reçoit la propriété à titre de dotation. Pauline, Princesse Borghèse devient par la volonté de son frère la nouvelle propriétaire du château après sa sœur. Finalement, ce château aura été une histoire de famille pour les Bonaparte. !!

Capricieuse, Pauline n’aime guère le Château de Neuilly, elle le trouve insalubre…

Insalubre ? Alors que son beau-frère avait engagé d’importants travaux depuis quatre ans ! Elle ira jusqu'à demander plusieurs fois d’échanger son château contre un autre domaine de la Couronne mais en vain. Néanmoins en 1811, pour rendre les lieux plus salubres aux yeux de la belle Pauline, les ponts et chaussées reçoivent l’ordre de construire un aqueduc au-dessus du pont traversant le chemin de la berge afin de drainer les eaux stagnantes de la partie basse qui formaient un étang.

Mais l’année 1814 marque la fin de l’épopée impériale avec la restauration de la Monarchie. Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte sur le trône et le domaine de Neuilly retourne dans les possessions royales. On le propose en 1816 au neveu du roi, le Duc d’Angoulême, qui le refuse, lui préférant son voisin, le château de Villiers.

En 1818, le domaine fait son retour pour ainsi dire dans la famille d’Orléans. En effet, le futur Roi Louis-Philippe fait l’acquisition du château qui avait été vingt-cinq ans auparavant celui de la seconde épouse de son grand-père. Il cherchait un domaine proche de Paris car son Château de Raincy avait été détruit au moment de la Révolution Française. A la tête de l’une des plus grosse fortune de France, Louis-Philippe achète au même moment le château de Villiers. Suivrons d’autres acquisitions afin d’agrandir, d’isoler et de dégager complètement le domaine. L’achat du château de Neuilly avait été une sorte d’échange avec l’Etat. En effet, il obtient la jouissance de Neuilly contre les écuries dites « de Chartes » à Paris, occupée par les écuries de la Couronne depuis 1801. Le 10 Mars 1818, les experts estimèrent le château de Neuilly à 1 034 187 francs contre 1 184 353 francs pour les écuries. La même année, la future Reine Marie-Amélie, donne naissance au château du Prince de Joinville le 14 Aout.

En plus des terrains, Louis-Philippe, fait l’acquisition de sept ilots au milieu de la Seine, qui ont été détachés du domaine public fluvial par acte du 30 octobre 1821. Il demande aux frères Seguin de lui construire un pont en fils de fer afin de relier son château, car le parc allait jusqu’à la Seine, à l’île d’en face, plus connue aujourd’hui comme l’ile de la Jatte. Sur cette île, à l’extrémité, il fait transférer le fameux Temple de l’Amour que son père Philippe-Egalité, alors Duc de Chartres, avait fait construire en 1774 au Parc Monceau à Paris. C’est ce qu’on appelait à l’époque : la Folie de Chartres.

En plus de l’agrandissement de son domaine, Louis-Philippe entreprend de grands travaux pour redonner tout l’éclat à ce château en lui apportant ce confort bourgeois qui caractérise ce futur Roi des Français. A partir de 1820, il demande à l’architecte Pierre-François-Léonard Fontaine, le même qui avait réalisé les travaux d’embellissement sous les Murat, d’agrandir l’aile droite afin de créer de nouveaux appartements pour le Duc d’Orléans et pour sa sœur, Madame Adélaïde. En 1821, Fontaine bâtit de nouvelles cuisines et remet en état le château de Villiers. En 1822, on réunit le petit et le grand château et on en profite pour restaurer les caves sous la salle à manger, la chapelle et les logements de services. L’année suivante, la façade de la cour d’honneur est refaite ainsi que les deux pavillons d’entrée. En 1824, c’est la grille d’honneur qui est refaite ainsi que les bâtiments qui l’accompagnent. Entre 1825-1826, on s’occupe de l’entrée et des dépendances sur l’avenue de Saint-Foy ainsi que la serre chaude. En 1828, on construit le temple de Diane dans le parc. En 1829, c ‘est au tour de l’aile des Ducs d’Orléans et de Nemours d’être refaite. Entre 1830 et 1831, on réalise de nouvelles écuries, le temple de marbre, des grottes dans le jardin et le corps de garde.

Plus de 10 ans de travaux pour redonner tout le lustre passé à ce château qui maintenant appartient au nouveau Roi des Français. En effet, depuis la révolution de Juillet 1830, les Bourbon ont de nouveau été chassés puis exilés, pour laisser place à leur cousin de la branche des d’Orléans, Louis-Philippe. Il devient donc Louis –Philippe 1er, avec cette nouvelle monarchie dite « de Juillet ». La nouvelle famille royale affectionne tout particulièrement le château de Neuilly et s’y installe pendant la saison d’été. Ces bâtiments longs et bas lui donne un charme intimiste et discret, qui correspond à cet art de vivre bourgeois propre à cette période du XIXème siècle. D’autant plus que toute la propriété est entourée d’un haut mur d’enceinte permettant de ne pas être vu.

Mais la Révolution de 1848 vient détruire ce site enchanteur. Le Roi signe son abdication et se refugie en Angleterre sous la protection de la Reine Victoria. Durant les évènements de 1848, le château est pillé puis incendié le 25 Février. Quatre ans plus tard, Louis-Napoléon Bonaparte Président de la Deuxième République, fait un coup d’Etat et devient Napoléon III, Empereur des Français. Nous sommes en 1852 et le Second Empire vient de naître. Confisqué dès le début de l’Empire avec les autres biens de la famille d’Orléans en France, Napoléon III ne souhaite pas conserver ou restaurer le château de ses tantes Caroline et Pauline. Il décide donc de diviser le domaine en 700 lots, qui après la création de sept boulevards de 30 mètres de largeur et de neuf rues de quinze mètres maximum de largeur, sont l’objet d’adjudications successives à partir de 1854.

Du Château de Neuilly, il ne resta donc plus rien sauf une aile construite sous le Marechal Murat par Fontaine, appelée « Pavillon de Madame Adélaïde ». De 1863 à 1874, cette aile rescapée est occupée par le pensionnat Notre-Dame-des-Arts. Puis de 1874 à 1907, c’est Mademoiselle Glaudel qui y dirige une maison de travail pour les jeunes filles pauvres.

En 1907, le bâtiment est racheté par la Congrégation des Sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve, après avoir été expropriées de leur maison-mère, rue de Sèvres, à Paris. L’architecte Maurice Humbert est chargé de restaurer le bâtiment et de construire leur nouveau couvent en harmonie avec l’aile de Fontaine d’époque Empire. C’est également cet architecte qui construit dans l’enceinte du couvent, la chapelle Notre-Dame-de-Bonne-Délivrance. Les sœurs s’installent donc dans le couvent le 23 septembre 1908 et la chapelle est consacrée le 22 juin 1910 et y abrite la statue de Notre-Dame-de-Bonne-Délivrance, appelée aussi « la Vierge Noire de Paris »

Quand à l’ile de Jatte, le fameux Temple de l’Amour du père de Louis-Philippe se dresse toujours à la pointe sud de l’île. Un des seuls vestiges de la richesse de ce domaine qui est passé de mains en mains au gré des aléas politiques de la France. Ce château est un méconnu, et pourtant, il mérite qu’on y attache autant d’importance qu’au Château de Saint Cloud, qui lui aussi a été une résidence des d’Orléans mais également une résidence royale et impériale, détruit par la suite et dont il ne reste plus rien.

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